Una crociera

Dans Una crociera (Feltrinelli, Milano 2000) De Marchi renonce soit à la narration à la première personne, soit au narrateur omniscient.L'histoire se déroule dans l'espace clos d'un bateau qui voyage de Gênes à Istanbul, faisant escale à Ajaccio et Malte; quatre personnages se rencontrent et se lient d'un rapport qui devient de plus en plus étroit et en partie destructif. Le premier, Guido Rizzi (un ophtalmoligiste renommé pour avoir étudié un terrible syndrome qui provoque la cécité), essaie de rallumer le feu de son mariage sans enfant avec Chiara (beaucoup plus jeune que lui); en réalité sa femme n'est pas en train de s'éloigner de lui comme il le craint, mais subit l'ennui d'une vie qui lui parait dépourvue de sens. Le troisième personnage dont ils font la connaissance pendant la croisière, est un professeur de lycée en retraite, Giacomo Pancaldi, un vieux timide et ingénu, mais d'un optimisme tenace; le quatrième personnage est l'élément de déstabilisation du groupe, Bruno Brancucci, un jeune intellectuel milanais qui s'en prend à Pancaldi mais qui, peu à peu, attaque ouvertement le "soigneur d'yeux", comme il se le définit avec mépris. Il décide donc aussi de séduire sa femme, non parce qu'il en est amoureux, mais simplement pour essayer de s'affirmer contre son adversaire. Guido Rizzi, pour sa part, hésite à accepter le défi, pris comme il l'est par l'amour tenace et irraisonable pour sa femme, et il voit sa vie menacée par le même désordre qui, à ses yeux, menace la nature et rend vaine la science.
     Et en effet, le désordre éclate à l'improviste au milieu de l'insouciance de la croisière, quand un garçon devient aveugle et Guido Rizzi se découvre être incapable d'expliquer et de combattre cette cécité. Avec le jeune aveugle (un des nombreux personnages mineurs du roman) surgit un autre thème important du roman, celui de la paternité. La confrontation douloureuse et presque muette entre Rizzi et Monsieur Peiré, père de l'aveugle, attire à plusieurs reprises l'attention de l'auteur dans la dernière partie du livre.
     Les quatre personnages principaux sont observés à fond, par la technique du discours indirect libre; même les longs dialogues ne sont pas reproduits dans le style du narrateur omniscient (de moins en moins acceptable aujourd'hui), mais par celui de l'observateur occasionnel, qui est, en général, un des participants à la discussion. Le roman n'a donc pas un point de vue privilégié, et toute l'habileté de la narration semble consister à maintenir l'unité et la cohérence du déroulement de l'histoire, bien que la perspective change continuellement. Les faits sont toujours riches en relief et clarté, et le lecteur est toujours en état de suivre les événements sans effort mais sans devoir se faire illusion que l'histoire qu'il est en train de lire soit indépendante des personnages qui la vivent et qui la créent.

© 2019 Cesare De Marchi

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